Du fusain et des feuilles d’or. D’infinies nuances de noirs, quelques éclairs. Obscurité et lumière. Dans ce triptyque couleur charbon se distinguent, par variations de gris, les visages de trois Vierges. Le modèle qui a inspiré le tableau central – Clémence, Danielle et Jessica – n’est autre que la mère d’AurelK, dont l’artiste a directement griffonné le tirage, à la mine, jusqu’à parvenir au rendu le plus sombre. Dans cette nouvelle exposition , il n’y a que des femmes, l’artiste délaissant son premier sujet de prédilection, les corps masculins, sans renoncer à son style, imprégné de classicisme. Elles est un hommage sur le mode de l’effacement : les moyens plastiques employés obligent à se poser une question – et si elles n’étaient plus là, que serions-nous ?
Femmes de gaze
Orsay, 1776 : un comte, M. Pierre Gaspard Marie Grimod d’Orsay, connu pour son goût en matière d’art, exerce une influence notable sur cette petite ville paisible dans la périphérie sud de Paris. Dévasté par le décès de son épouse, il fait ériger une crypte pour son repos éternel. Marie-Louise Amélie de Croÿ est décédée en couche, alors qu’elle devait donner naissance à un héritier. Dans ce contexte, l’installation in situ d’Aurelk redouble de sens : sous ce plafond bas, dans cette pièce circulaire et humide, le trentenaire accroche des morceaux de draps rigides laissant deviner des yeux, parfois plus, un nez, une bouche, quelques rides. Il s’avère que ces textiles sont rigides, transformés en sculptures grâce à un procédé chimique : les suaires sont en réalité des masques. En tout, ce sont 83 visages blancs qui tournent autour du spectateur – ceux de femmes. Inspiré par l’art classique chrétien et passionné par les drapés (qui traversent toute son œuvre), l’artiste donne à ses muses un caractère d’éternité. Moins morbides qu’éthérés, ses portraits sur textile flottent ici, comme pour compenser l’absence de Marie Louise Amélie de Croÿ dont le corps ne fût finalement jamais déposé dans la crypte.
Manière de dire ce qu’il doit aux femmes, AurelK a installé au centre de la pièce un diptyque-autoportrait au format d’icônes religieuses : d’un côté, lui à 3 ans, de l’autre, lui maintenant. Avec une certaine économie de moyen, le plasticien soulève beaucoup de grâce et d’émotion. Morceaux de vêtement qu’on garde en souvenir d’un être cher, voile de Vierge, linceul, les signifiants peuvent être multiples, mais c’est le plus subjectif qu’on retient : on ne peut s’empêcher, en regardant ces figures féminines, de penser à celles qui nous ont entourées.
AurelK, Elles
⇢ jusqu’au 1er décembre à la Crypte d’Orsay
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