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Comment élaborer un système de valeurs viable dans un monde régi par le fric ? À l’heure où le capitalisme a complètement envahi nos interactions les plus intimes, peut-on partager quelque chose sans passer par l’argent ? Deux plasticiennes marseillaises se sont rencontrées pour tenter de répondre à ces questions d’utilité publique et présenter leurs pistes de réflexion dans la galerie d’art au cœur d’Arpajon. Après avoir constaté que les arts plastiques et les sciences sociales avaient des points communs, Elise Courcol-Rozès s’est demandée : et si échanger des produits avait un sens qui allait au-delà de notre survie et nos besoins primaires ? Ce à quoi Fabienne Guilbert Burgoa, maîtresse en matière de détournement d’objets d’usage, lui a répondu : mais que veulent vraiment dire ces objets qu’on utilise machinalement ? Un jeu rhétorique qui a abouti à Casino, ou comment retrouver un système d’échange simple et donner de la valeur à des objets déjà usés. Fabienne Guilbert Burgoa est allée puiser dans les mythes populaires qui l’habitent, en enfilant des santiags rose-marron éléphantesques aux pieds d’une rocking chair. Si l’on s’attarde sur les flancs de cette étrange chaise-créature à bascule, on y trouve une poche discrète, avec un fer à cheval et une petite patte de volaille à l’intérieur : deux symboles franco-mexicains qui nous murmurent avec malice que la chance est de notre côté (Mon coeur dans des chaussures trop petites, Fabienne Guilbert Burgoa, 2025).



Ça vaut peanuts


Les réseaux sociaux du groupe Meta et X valent des fortunes, Trump veut acheter le Groenland : face à cette marchandisation des territoires, des corps et des interactions, il était d’autant plus à-propos de dépasser et de retourner ce système de valeurs. Pour mieux saisir les sens cachés des objets usuels, le recours au toucher semble inévitable : ici, tout est modulable, de la moquette en poils rose à ces étranges poèmes glissés dans de longs étuis transportables à l’entrée. À la fois surprenantes et évocatrices, les installations nous invitent à dérouler et à décrypter les récits de fêtes et de partages culinaires sous-jacents, assis sur des tissus (Graines de mains, Fabienne Guilbert Burgoa, 2025). Cette interaction est rendue possible par le lieu : une maison boisée de plain-pied à l’air étrangement familier, qui accueille autant d’expositions que d’événements locaux, à l’opposé du classique white cube.




Plus loin, des courbes métalliques s’étalent de toute leur longueur en plein milieu de l’espace. Truffées de citrons, d’oranges et d’ustensiles aléatoires, ces petites choses sont à déplacer et les courbes à tordre. Même pourri, l’aliment perd-il toute sa valeur ? Ces produits font référence à des expressions populaires : on trouve autant de cacahuètes qui ne « valent rien », que des tulipes — ayant servi de bulle spéculative pendant le crash boursier au Pays-Bas au XVIIe siècle —, jusqu’au thé, utilisé comme monnaie d’échange en Chine, au Tibet et en Russie (La Bourse, Elise Courcol-Rozès, 2025). Si le titre de l’exposition nous joue un tour – on s’attend à un parc de machines à sous –, les deux plasticiennes créent une forme de casino, où déplacer et détourner les symboles fait partie du troc : un « échange informé » sur l’inconstance de la valeur.




Casino, exposition collective jusqu’au 23 février au CAC Brétigny, hors les murs à la galerie Francval d’Arpajon. Sur un Commissariat de l'Équipe du CAC Brétigny : Zélia Bajaj, Milène Denécheau, Léana Doualot, Esther Gobin-Brassart, Elisa Klein, Danaé Leroy, Coraline Perrin, Marie Plagnol et Ekaterina Tsyrlina

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