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Le commentaire du jour
Selon Le Monde (2 juillet), Jacques Chirac n'est pas content : alors que son petit Raffarin a imposé en force la réforme du régime des retraites et que l'Assemblée nationale est en train de lui voter une impunité judiciaire sur mesure, les gueux du spectacle sont en train de lui gâcher ses vacances ! Quasiment un crime de lèse-majesté... Et surtout : à quoi bon « chauffer » l'été, avant d'ouvrir cet automne le prochain chantier de la santé et de la réforme de la Sécurité sociale (nouvelle casse en vue) ?
Bref, si on lit entre les lignes, le Président de la République a demandé au gouvernement de lâcher un peu de lest sur la question des intermittents. De quel poids sera le lest ? Demander aux partenaires sociaux de reprendre à zéro la négociation ferait assurément mauvais genre dans un pays où, quand même, « ce n'est pas la rue qui gouverne ». Ordre semble donc avoir été donné au ministre de la Culture de tricoter quelques entourloupes à l'accord du 27 juin pour le rendre plus présentable. Alors qu'un nombre important de manifestants défilaient hier, de la Comédie Française au Ministère des Affaires Sociales, Jean-Jacques Aillagon réunissait quelques « responsables culturels » pour l'aider à trouver une porte de sortie. Bref, il cherche à mouiller les uns et les autres pour faire avec lui le sale boulot. La journée d'hier n'a pas suffi : une nouvelle réunion est prévue aujourd'hui. On peut prévoir sans peine que vont sortir du chapeau ministériel quelques tours de passe-passe : un aménagement par ci, une annonce par là, qui devront donner l'impression à l'opinion publique que le gouvernement a concédé aux saltimbanques quelques menus avantages supplémentaires. Ne soyons pas dupes : Jean-Jacques Aillagon ne répond pas à la question de l'accord lui-même. Cerise sur le gâteau : alors que le Syndeac, par exemple, « demande au Gouvernement d'ouvrir immédiatement des négociations sur la question essentielle du financement de la création et de la diffusion artistique du spectacle en France, en préalable à toute démarche d'agrément d¹un accord », Jean-Jacques Aillagon annonce la création d'un dispositif d'aide à la jeune création, lot de consolation pour les artistes qui seraient de facto exclus du régime d'intermittence. Ce dispositif serait directement géré en régions. Appelons un chat un chat : ce dispositif est un « Rmas » (revenu minimum d'activité spectaculaire). Comme les précaires du régime général sont obligés à refaire ici ou là des bordures de trottoir (en d'autres temps, on appelait ça le Service du Travail Obligatoire !), les précaires du spectacle seront obligés d'animer les arbres de Noël des communes de France et des entreprises du Medef.
Ce n'est pas avec de tels emplâtres que Jean-Jacques Aillagon colmatera les nombreuses fissures de l'accord du 27 juin. Il paraît que le débat fait rage au sein de la CFDT, de la CGC et de la CFTC (les trois syndicats minoritaires signataires de l'accord) ; certaines fédérations –et non des moindres- désavouant en interne la signature confédérale.
Hier à Paris, les manifestants scandaient : « Aillagon, démission ! ». C'est que, loin de défendre le secteur qu'il est censé représenter, le ministre de la Culture apparaît pour ce qu'il est vraiment : un commissaire aux basses-œuvres de la caste libérale, qui se soucie de la culture comme d'une guigne.

Jean-Marc Adolphe

ACTIONS< /b>
A Paris, ce mercredi 2 juillet, une cinquantaine d'intermittents du spectacle ont empêché la tenue d'une réception au Conseil supérieur de l'audiovisuel, à Paris, sur la remise des autorisations aux chaînes de la télévision numérique terrestre.

A Marseille, pas de concert de sirènes, « midi net », prévu aujourd'hui : l'équipe de Lieux publics s'est mise en grève en tenant à marquer sa colère, au-delà de la question de l'intermittence, devant la (non)politique de ce gouvernement en matière de création artistique dans le spectacle vivant.

Dans la Drôme, Bernadette Chirac, qui était attendue au festival de la correspondance à Grignan, s'est faite porter pâle. Dommage : elle y aurait assisté à une jolie intervention des intermittents de la coordination culture Drome Ardèche, en compagnie de paysans et d'enseignants. « Montrons nous intransigeants pour réussir à convaincre, et tenir jusqu'en septembre pour être les fers de lance d'un mouvement social de grande ampleur » écrit la coordination Drôme-Ardèche (sur internet : http://www.dromadaire.com/cultureda/accueil)

Ce jeudi 3 juillet, à 20h30 : Rassemblement à l'Hôtel de Ville de Paris sur le direct " Les 100 ans du Tour de France ", diffusé sur France 2.

DECLARATIONS ET POSITIONS

La CFTC persiste et signe
Dans un communiqué en date du 30 juin, mis en ligne sur son site internet, la CFTC, signataire de l'accord du 27 juin avec le Medef, écrit notamment : « malgré sa renégociation à la baisse, ce régime reste extrêmement avantageux par rapport à celui des salariés du privé, eux aussi de plus en plus confrontés à la précarité (CDD, journées déstructurées, contrats de missions) Et elle note que ce dispositif reste, par maints aspects, très enviable. A partir du moment où la précarité des artistes et les techniciens du spectacle devient trop importante, la CFTC estime que le financement de leur régime d'assurance chômage relève de la solidarité nationale ou du budget du ministère de la Culture ».
Pour autant, Michel Coquillon, de la CFTC, joint par téléphone, confirme que le débat fait rage au sein de la CFTC, certaines fédérations se désolidarisant de la signature que leur syndicat a engagée.

L'Adami : « tout mettre en œuvre »
L'Adami (Société civile pour l'administration des droits des artistes et musiciens interprètes), les artistes membres du conseil d'administration de l'Adami et leur Président, Pierre Santini, déclarent dans un communiqué (1er juillet) « partager l'inquiétude des professionnels du spectacle quant aux menaces pesant sur leur statut d'intermittents du spectacle. Ils demandent à leur Ministre de tutelle et au Gouvernement de mettre tout en œuvre pour que les artistes et les techniciens puissent continuer à vivre décemment de leur travail. Il leur semble nécessaire de réunir, rapidement, tous les partenaires représentatifs pour trouver une issue satisfaisant l'ensemble de la profession à une situation conflictuelle qui dure depuis trop longtemps.
Ce n'est pas seulement le statut des artistes et des techniciens qui est en jeu, mais aussi la survie de la fragile économie de l'ensemble des entreprises culturelles du spectacle vivant et de l'audiovisuel (théâtres, compagnies, sociétés de production...). De la préservation de ce statut dépendent la vigueur et la diversité de la création française et notamment la bonne tenue et l'avenir des festivals de l'été, et d'une manière générale de l'ensemble des manifestations culturelles, dans le respect du public. Ils appellent l'ensemble des artistes-interprètes, comédiens, chanteurs et musiciens solistes, chefs d'orchestre, danseurs..., à soutenir le mouvement de défense du régime des intermittents du spectacle ».
(www.adami.fr)

La SACD : « attachement à un régime d'exception »
Dans un communiqué en date du 2 juillet, la Société des auteurs et compositeurs dramatiques déclare :
"Devant la gravité de la situation dans un contexte où le statut des auteurs et des artistes est en voie de dévalorisation et afin de désamorcer une crise préjudiciable à la vie culturelle de notre pays, la SACD demande instamment au gouvernement de réunir l'ensemble des partenaires sociaux concernés et de répondre à leurs préoccupations avant que l'accord du 26 juin 2003 sur le régime des intermittents du spectacle ne soit entériné. Cette démarche pourrait constituer un signal fort qui devrait permettre la tenue des festivals d'été. Condamnant la situation actuelle qui permet le détournement de l'utilisation du statut des intermittents au détriment des vrais acteurs de la création, la SACD affirme son attachement à un régime d'exception garant de la diversité culturelle et de la vitalité de la création."


Le festival d'Aurillac et le Lieu Unique de Nantes solidaires
Le festival d¹Aurillac et l'ensemble de son personnel permanent se déclarent solidaires des revendications sociales des intermittents du spectacle vivant et de l'audiovisuel.
D'autre part, la direction et le personnel permanent du Lieu Unique, scène nationale de Nantes, considèrent que « l'accord signé par le MEDEF et les trois organisations syndicales minoritaires est inadmissible ». Les 26 et 27 juin, le Lieu Unique a cessé toutes ses activités artistiques ; les salariés permanents ont décidé de verser le salaire correspondant à une journée de travail, au mouvement des intermittents. Et de nombreux spectateurs ont souhaité, au lieu de se faire rembourser leur place pour une représentation annulée, verser le prix de leur place à ce même mouvement.


Bernard Sobel : « le Théâtre de l'intermittence est le Capital vivant du Théâtre français ».
Bernard Sobel, metteur en scène et directeur du Centre Dramatique National de Gennevilliers, a fait part du texte suivant :
« Il n'existe que deux troupes en France, celle de la Comédie Française et celle de l'intermittence. La première a son doyen ou sa doyenne. L'autre, celle de tous les autres
théâtres de France, n'a pour horizon lancinant que sa précarité. Et pourtant, sans la deuxième le Théâtre que l'étranger nous envie ;celui qui cherche, qui ose, qui essuie les plâtres, celui qui est compétitif n'existerait pas.
Le Théâtre de l'intermittence est le Capital vivant du Théâtre français.
Le MEDEF qui s'y entend pour ce qui est de la préservation du capital devrait être le premier conscient des dangers que représente pour la France les coups de boutoirs qu'il porte à un statut qui nous permet encore d'être là ».


Jack Ralite : « Les intermittents du spectacle ne se plaignent pas : ils portent plainte »
Jack Ralite, ancien ministre et maire (PCF) d'Aubervilliers communique la déclaration suivante
« Ainsi, la remise en cause de la responsabilité publique en matière d'art et de culture continue de s'aggraver dans notre pays. Le gouvernement embarque le monde artistique sur une galère lancée à travers "les eaux glacées du calcul égoïste".
Archéologie, musées, architecture, "économie numérique", cinéma, télévision,droits d'auteur et droits voisins, patrimoine, musique, spectacle vivant connaissent en l'espace d'un printemps malmenage et démembrement, qui se prolongent dans la préparation du budget 2004.
Aujourd'hui les intermittents du spectacle sont frappés dans leur régime d'assurance-chômage sans que soient réunies les conditions nécessaires à son véritable réexamen, et sans que soient dénoncés ni empêchés les abus reconnus par tous.
Les intermittents du spectacle ne se plaignent pas : ils portent plainte. Ils accusent la mise à mal, à travers eux, de l'intérêt public. C'est ainsi que nous entendons leurs mots, leurs cris, leurs silences aussi. C'est ainsi que nous comprenons leur résistance capable de surmonter la colère et le chagrin de devoir renoncer à un spectacle longtemps préparé.
Nous sommes solidaires d'eux et de leurs initiatives afin que soient respectées les exigences de l'art et de la culture, c'est-à-dire celles de la véritable liberté : la liberté d'échapper au pur empire de la nécessité, et de créer du sens.
Aujourd'hui ce respect passe par le refus, auquel doit accéder le gouvernement, d'agréer l'accord conclu à la hâte.
Il ne s'agit pas seulement de renégocier cet accord. Il s'agit de redéfinir, dans le contexte d'aujourd'hui, l'enjeu d'une politique culturelle. La culture est un bien public : sa responsabilité doit donc l'être aussi ».
(jack.ralite@mairie-aubervilliers.fr)


Pour des Etats Généraux de la création artistique
Réunie en assemblée générale le 1er juillet, l'équipe du Forum culturel / scène conventionnée du Blanc-Mesnil, écrit notamment :
« (...) Cet accord, signé par le MEDEF et trois organisations syndicales minoritaires dans la profession, que le gouvernement entend agréer, fragiliserait la création artistique dans notre pays. Il s'agit là d'un élément supplémentaire dans un plan d'ensemble visant à imposer les critères de gestion du libéralisme dans tous les domaines : éducation, retraites, sécurité sociale, et donc culture. (...) Résister dans le domaine de la culture, c'est participer à une autre vision du monde, un monde où la liberté ne se réduirait pas à celle du renard dans le poulailler.
L'heure nous paraît être venue de réunir des Etats Généraux de la création artistique, où, dans la concertation la plus large possible, artistes, techniciens, professionnels, élus, publics, poseraient ensemble la question de l'élaboration d'un nouveau service public de la culture.
La négociation sur le statut des intermittents doit en effet intervenir dans un cadre d'ensemble concernant :
- le budget du ministère de la culture, dont le montant actuel est tragiquement insuffisant,
- la décentralisation qui pourrait, sans garde-fou, évacuer la création, et ses risques, au profit d'une culture de consommation fondée sur le loisir et l'académisme (privilégiée par les renards pour occuper les poules entre deux déjeuners),
- la place et le rôle des équipements, théâtres municipaux, scènes conventionnées, scènes nationales, centres dramatiques nationaux, théâtres nationaux,
- la question, enfin, du public, des publics, et des formes audacieuses d'actions à imaginer pour en élargir le cercle.
Il s'agit bien de poser tout ceci dans le cadre de l'exception culturelle française, qui ne devrait pas rester une exception, mais devenir une règle. Elle repose sur une conception où les implacables lois du marché sont limitées et amendées par des mécanismes de service public, permettant le développement de la création artistique.
La période de l'été, et des Festivals, pourrait être l'occasion d'amorcer ces réflexions ».


La base possible de droits nouveaux pour tous les précaires
Des participants à la Coordination des intermittents et précaires d'Ile-de-France écrivent notamment :.
«Précariser des artistes et des intermittents, c'est interdire l'expression artistique, empêcher la création, tuer la richesse culturelle, aliéner les consciences. Cet accord n'est pas là par hasard. Il s'inscrit dans un système économique mondial qui vise à nous soumettre tous aux lois du marché. Le régime des intermittents est la base possible de droits nouveaux pour tous les précaires. C'est pour cette raison essentielle qu'il est remis en cause à ce jour».
(http://cip-idf.ouvaton.org)

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