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«Comme dans toute démocratie, le peuple de France a élu ses représentants. Le gouvernement de la France est majoritairement exercé par nombre de ses élus. A la tête de tous les ministres du gouvernement trône le Premier Ministre. Tout ce qu'il dit est forcément important, puisqu'il est le plus important dans la fameuse hiérarchie de tous ceux à qui il a confié un "portefeuille".
Monsieur Raffarin, puisque c¹est de vous qu'il s'agit, du haut de votre trône, ("Plus un singe monte haut, plus on voit son cul". Proverbe chinois.), vous avez fait un jour un distinguo des plus subtils entre "la France d¹en haut et celle d'en bas". C'était finement observé ! Mais vous fîtes mieux, entre autres sorties "d'appellation contrôlée". Vous avez donc tout récemment évoqué "le purgatoire français, hélas encore rempli de socialistes !". Vous auriez pu ajouter les homosexuels, les étrangers, les clochards, et pourquoi pas les jeunes, les vieux, et les ratons laveurs...Vous avez surtout omis d'évoquer, dans ce purgatoire, les saltimbanques, source de tous vos maux en ce début de période estivale.

(Que voilà, ma chère, une agitation fort mal venue!
Mais que leur prend-il à ces gentils troubadours?
N'ont-ils pas le privilège de jouer une fois par an à l'Elysée pour l'arbre de Noël, en présence du président de la République en personne?)
Hé bien, Monsieur le Ministre premier, votre masque de triste clown d'un très mauvais cirque tombe un peu plus chaque jour.
La France a mal à ses artisans d'art, très mal (même si cela ne date pas d'aujourd'hui), et vous pouvez décider d'apaiser leurs souffrances réelles, ou de laisser mourir chaque soir un clown de plus. Ce qui se passe en ce moment est loin, très loin d'être le fait de quelques écervelés, suicidaires ou autres manipulés et provocateurs en tout genre: il y a une grande dignité de leur part, au-delà de leur équation personnelle (certains d¹entre eux risquent de mettre des années à payer leurs dettes de 2003, si même ils s'en remettront), à lutter toutes corporations confondues contre ce que d'aucuns présentent comme un sauvetage, mais qui, de fait, encore et encore sous votre "gouvernance" frappe de plein fouet les petits, les sans grade, et pour toujours.

Qu'on ne me parle pas d'argent: mensonge! L'argent existe, et je suis convaincu déjà qu'en mettant un peu d'ordre, sérieusement, au regard des abus indéniables –d'évidence majoritairement du fait des décideurs en tout genre- on pourrait en trouver. A propos d¹argent, ne découvre-t-on pas ces jours-ci la rentabilité considérable de tel ou tel festival?
Voilà qui bat sérieusement en brèche quelques idées reçues sur le "coût" de la culture...
Le festival d¹Avignon est désormais dans quelques heures (un peu plus d'une centaine à peine). L'Europe entière a les yeux fixés sur la France, pays de "l'exception culturelle".
Plus que jamais -au-delà des problèmes de l¹intermittence, car tout est lié- c'est cette culture que l'on dit nous envier et la place qui lui est réservée, qui sont en jeu. C'est de vous que dépend la tenue ou non du festival d'Avignon et de tant d'autres festivals, de vous seul, chef du gouvernement, choses signées ou non.. C¹est de vous dont dépendent le présent et d¹évidence l'avenir artistique et culturel de la France en Europe et dans le monde.
Cette France de moins en moins terre d¹asile, veut-elle aussi rejoindre le camp des nouveaux barbares, des oligarchies triomphantes, plus prompts à semer la mort qu'à protéger la vie (sauf la leur), totalement indifférents quand ils ne sont pas hostiles, à l¹existence des poètes, des fous (donc des lucides !), de tous ces artisans de l¹ombre, magnifiquement discrets mais sans lesquels tout serait différent?!

J'allais oublier, à propos de purgatoire, il y a aussi les électeurs, et cela vous l'avez scrupuleusement omis. Nous saurons vous le rappeler en temps utile puisque c'est le passage obligé de toute démocratie. Mais dans cette attente -sereine pour le coup!- vous seriez, Monsieur le Ministre premier, fort bien inspiré d'éviter d'ajouter une tache indélébile (parce que symbolique) à votre triste tableau de chasse déjà fort chargé."

René Gonzalez,
directeur du Théâtre de Vidy à Lausanne
Français, citoyen du monde
Le 3 juillet 2003



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