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Sur la scène apparaît un danseur à l’allure fière et sensuelle, torse nu et vêtu d’un pantalon bouffant mauve, cheveux assortis, alors que l’orchestre entonne des premières notes de musique. Derrière lui défilent des images urbaines, filmée depuis l’intérieur d’une voiture qui sillonne les rues. Au fur et à mesure, le danseur gracieux – qui n’est autre que Dale Blackheart, complice de longue date de Frédéric Nauczyciel – est rejoint par une myriade de performeu·r·se.s qui esquissent des gestes vifs de voguing. Dans ce bal foisonnant surgissent des costumes extravagants : tulle bouffant, costumes de fanfare et ses pompons dorés, combinaison pailletée… Depuis 2011, Frédéric Nauczyciel s’est immergé de le ballroom – culture underground gay et noire d’où est issue la danse voguing – dans les ghettos de Baltimore, mais aussi en périphérie parisienne. Son ambition ?  Mettre en tension les cultures alternatives avec d’autres, populaires ou savantes. Pour cette création, il a rassemblé dix performeu·r·se·s sous l’égide de la House of HMU, qui tisse des liens transatlantiques, ainsi qu’un orchestre – d’abord l’Orchestre Symphonique de Cincinnati lors de la création, puis La Musique de la Police nationale. Des univers opposés, pour le plaisir peut-être d’entretenir les contrastes.



Ballroom baroque fou

Sur des airs de Vivaldi, Bocchierini, Scarlatti ou encore Rameau, les danseu.r·se·s défilent et se croisent en croix, faisant exploser des gestes où s’entrecroisent des mouvements aussi gracieux que rapides des bras et mains, des déhanchés fougueux, des marches inspirées des défilés de mode,  et ceux issus de la danse baroque, avec ses tracés géométriques, sa prestance altière et sobre. Les codes du ball, avec la présence d’un MC, ou maître de cérémonie – incarné par Matyouz La Durée vêtu d’un énorme costume de tulle rouge –, se mêlent à ceux de l’aristocratie de l’Ancien Régime, avec ses perruques et ses frou-frous mais aussi le couronnement d’un roi et d’une reine, en écho à la période baroque. Manière de rendre hommage aussi à la capacité du voguing à parodier et à détourner les esthétiques de l’élite blanche. Parmi les robes extravagantes et les costumes de marching band, on aperçoit même Frédéric Naucyciel, torse nu et en jupe noire, qui se lance dans une performance de claquettes. Tous ces vocabulaires se tutoient et s’entremêlent pour tisser un ensemble drôle et excentrique qui rayonne grâce à la spontanéité des performeu·r·se·s. Teinté de culture queer et d’un esprit burlesque déjanté, cette pièce qui manque peut-être parfois de rythme ou de cohérence, fait toutefois honneur au travail de Frédéric Nauczyciel et de ses interprètes, qui parviennent à transposer sur la scène institutionnelle la fougue débridée d’un ball.  


> Singulis et Simul de Frédéric Nauczyciel, a été crée le 16 novembre 2021 à l’Onde, Vélizy-Villacoublay ; les 22 et 23 avril à la MC93 - Maison de la Culture de Seine-Saint-Denis, Bobigny ; du 12 au 14 mai à la Maison des Arts de Créteil ; le 21 mai à Espace Lino Ventura, Garges-Lès-Gonesse ; le 28 mai à la Scène nationale d’Orléans ; les 9 et 10 juin au Théâtre National de Bretagne, Rennes