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Vous venez de travailler sur l’énergie masculine dans Hope Hunt et Hard to be soft, où vous incarnez de jeunes hommes observés dans les rues de Belfast. Avec Lady Magma vous explorez le pouvoir de l’énergie féminine, comment se traduit physiquement ce déplacement ?


« Avec Hope Hunt et Hard to be soft j’ai essayé, par accident en fait, de m’entraîner à une sincérité vraie. Et, quand on commence à plonger profondément dans ce genre de travail, peu importe que vous dansiez un vieil homme, un enfant, un jeune homme ou une femme, tout ça dépasse le genre parce que c’est l'honnêteté qui est au travail. C’est difficile de parler de Lady Magma avant de l’avoir jouée une première fois devant un public, avant sa naissance en quelques sortes. Peut-être que ce sera véritablement une histoire de femmes, liée au féminin, ou complètement autre chose.

 

Les prises de paroles et mouvements féministes récents vous ont-ils influencés ?


« Toutes ces questions étaient tellement présentes dans l’air ces deux dernières années, qu’inconsciemment c’est peut-être ce qui m’a conduit sur le chemin de Lady Magma. Je ne me suis pas pour autant dit « là c’est un bon moment pour faire un spectacle féministe », mais ça m’a mené sur la piste de l’image des femmes dans les années 1970 par exemple.

 

Vous semblez créer par fragments, sans forcément rechercher d’équilibre entre les durées, les énergies etc.


« Les quatre épisodes de Hard to be soft me sont apparus comme un film. Je les ai réalisés séparément et je n’ai pas vu l’ensemble avant qu’on joue la première. La pièce n’est pas équilibrée. Si on regarde les gens de Belfast, tout le monde n’est pas représenté dans ces épisodes : on a des jeunes mecs, des plus vieux, des pères, des jeunes femmes mais pas des femmes adultes, il n’y a pas de mères par exemple. C’est peut-être pour ça que je crée Lady Magma d’ailleurs, parce que j’avais besoin de femmes adultes.

 

Est-ce qu’il y aurait un mot pour relier vos créations ?


« Dans Meat Kaleidoscope, le troisième épisode de Hard to be soft, ce sont deux gars massifs qui à la fois s’enlacent doucement et semblent se battre. Quand on travaillait, ils ont commencé à se serrer dans les bras l’un de l’autre, face à face et je me tenais à côté d'eux en disant : « allez, allez, allez, allez, poussez, poussez, poussez, poussez, poussez…». Au moment où ils ont atteint le maximum, ils dépassent ce qu’ils pensaient être leur limite. Avec les danseuses de Lady Magma, on fait la même chose, dans une architecture différente, une autre écriture, on continue à « pousser ».

 

Hard to be soft est tout en contraste : entre force et vulnérabilité, dureté et tendresse, spirituel et terre-à-terre. Comment avez-vous travaillé ces tensions ?


« Pas très consciemment, mais je pense que c’est ma façon de danser, avec ces contrastes. La vie est comme ça aussi, non ? Très bruyante, puis très calme.

 

Cette pièce là est sous-titrée « une prière pour Belfast », pourquoi écrire une prière pour cette ville ?


« Parce que j’aime Belfast et je voulais qu'elle m'aime en retour.

 

 

Sugar Army de Oona Doherty p. Luca Tuffarelli

 

L’épisode intitulé Sugar Army est à chaque fois dansé par un groupe de dix jeunes femmes à qui vous transmettez la pièce en amont, dans chaque ville où vous jouez, cette fois-ci à Ivry-sur-Seine…


« Pour se mettre au travail on regarde des extraits de films : Misrepresentation, un documentaire qui parle de la façon dont les femmes sont représentées dans les médias, dans la publicité, la pop culture, puis, un film sur la danse Haka en Nouvelle-Zélande. Je leur demande ce qui les rend furieuses, et on met tout ça dans cette danse. Mais vous savez, je ne peux pas bien les voir quand elles sont au plateau. Je suis en coulisse, derrière les rideaux, nerveuse, en train de me demander si le public français va aimer le travail. Peu importe la réponse, je me dis que ça en vaut la peine, parce que ces filles là sont très fières de ce qu’elles font. Pour la dernière répétition de Sugar Army à Ivry, j’ai parlé avec les filles de la technique que l’on utilise dans Lady Magma pour bouger : la contraction et le relâchement du périnée et des organes sexuels. Je m’étais dit qu’elles étaient peut être trop jeunes, et puis le dernier jour j’ai décidé de partager ça. C’était une façon de relier entre elles toutes ces femmes, de créer un lien entre la puissance des corps. Alors voilà, Lady Magma est là en fait, dans cette relation.

 

Pour chaque pièce vous semblez avoir une vision qui dépasse la scène, vous écrivez des textes, vous faites des collages, des courts-métrages avec Luca Truffarelli et des sites pour chaque projet. Pourquoi cette attention à l’image ? 


« Je fais ça naturellement, c’est ma façon de travailler, par collages. J’y passe un temps fou, peut-être parce que je suis un peu « control freak » ou parce que je n’ai pas de vie sociale ! Mais, ces collages, textes, poèmes, sont avant tout pour le public, pour ne pas avoir besoin de tout expliquer noir sur blanc. Je suis vraiment douée pour danser, c’est ça que je sais faire, et je ne fais pas spécialement confiance à mon éloquence. Alors, j'essaie de protéger le travail en n’en parlant pas trop. Je ne veux pas que le spectateur voit ce que j’aurai décidé pour lui.

 

 

Hard to Be Soft - a Belfast Prayer de Oona Doherty a été présenté le 23 mars au Théâtre Antoine-Vitez d’Ivry-sur-Seine dans le cadre de la 20ème Biennale de danse du Val-de-Marne ; du 8 au 15 avril au Théâtre de la Bastille à Paris

Hope Hunt & The Ascension Into Lazarus a été présenté le 24 mars au centre Jean-Vilar à Champigny- sur-Marne dans le cadre de la 20ème Biennale de danse du Val-de-Marne

Lady Magma les 3 et 4 avril à l’Atelier de Paris CDCN dans le cadre de la 20ème Biennale de danse du Val-de-Marne, le 9 mai à Espaces Pluriels à Pau

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