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Dans la salle de l’Arsenic à Lausanne, trois performeuses sont déjà là. Elles portent des tenues qui laissent apparaître leur peau : bikinis violets, rouges ou à strass, quelques dentelles autour des cuisses, pour l’une d’entre elles. Leurs maquillages sont presque inquiétants : aux gros aplats rouges et roses plaqués autour des yeux et sur les joues, semblables à des peintures de guerre, s’ajoutent des lentilles de contact blanches opaques, monstrueuses. Ces sirènes des abysses, se tiennent sur des caissons de basse, qui font office de perchoir, des sortes de rochers visqueux ornés de silicone transparent déchiqueté. Féroces et sensuelles, elles rappellent des créatures maléfiques féminines, harpies ou gorgones, moitié humaines, moitié animales ; et invoquent un espace indéterminé, humide, étrange, où le féminin dépasse et réinvente les contours dans lesquels on a l’habitude de l’enfermer.

 



Vocabulaire dancehall et espace liminal

 

Si la gestuelle est d’abord latente, statique, mettant en exergue les inspirations et expirations des performeuses qui dialoguent avec le souffle sourd que crache les enceintes, elle prend peu à peu de la vitesse. Imprégnées de sensualité, les danseuses s’avancent dans l’espace central pour déplier une chorégraphie inspirée d’un vocabulaire dancehall, cette danse jamaïcaine à l’énergie martiale, aux ondulations sensuelles, terrienne et généreuse. Elles la mêlent pour l’occasion avec le tout aussi sexy twerk. Jouant de cette danse originellement pratiquée pour favoriser la lubrification, nos performeuses expulsent par intermittence des boules de leurs vagins et anus : une ode à des organes sexuels fantasmés, considérés par Tamara Alegre comme des cloaques, le canal génital et urinaire des oiseaux. Jouissantes et extatiques, ces créatures, incarnées par le trio envoûtant Élie Autin, Marga Alfeirão et Cuba, nous laissent entrer dans leur nid ou cocon.


NX FUIMO constitue ainsi la très jolie suite de la pièce FIEBRE, où la chorégraphe originaire de Gran Canaria et installée à Lausanne déployait déjà des fictions sur les organes sexuels avec des danseuses empêtrées dans du “slime”. Fascinante et prometteuse, Tamara Alegre n’hésite pas à déverser sur les scènes son univers gluant et nous plonger, tout en entier, dans un espace liminaire où notre perception est altérée par les basses sourdes et les lumières enveloppantes. De quoi complètement se laisser contaminer par un sortilège féministe, futuriste, érotique.


> NX FUIMO de Tamara Alegre a été créé du 28 au 30 avril à l’Arsenic, Lausanne ; du 7 au 9 juillet au Norbergfestival, Suède