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Une précaution avant de commencer : recouvrir ses semelles de couvre-chaussure bleu pour ne pas salir l’immense moquette beige déroulée sur une partie de la grande halle de la Villette. Le démarquage entre l’extérieur profane et l’intérieur de l’exposition Cattivo ainsi fait, l’expérience peut commencer : une déambulation lunaire à travers une faune inquantifiable de pupitres. Couchés, tordus, juxtaposés, démembrés… à partir d’un même objet, Marlene Monteiro Freitas invente une infinité de sculptures. Il y a celui-ci, auquel on a mis des embouts de plastique aux bras, passant ainsi pour un pupitre-gynéco face à un pupitre-femme. Puis celui-là, bébé pupitre au dodo – deux vis pour les yeux et une serviette comme oreiller. Ou encore l’arachno-pupitre - en fait sept d’entre eux disposés en étoile. Un brouillard de fumée, quelques basses intempestives échappées des enceintes, des projecteurs-fous qui se réveillent en sursaut cherchant sur quoi poser leur faisceau - et l’immersion dans cette folle machinerie est totale.  


Show must go on 


On connaît les codes qui clôturent un spectacle : Rideau. Les lumières se rallument. Applaudissements. Saluts des comédiens. Puis chacun chez soi. Et après ? Que deviennent les accessoires sur scène ? Au-delà de jouir des ressorts du théâtre d’objet en rendant l’inerte émouvant, Cattivo est aussi un propos sur la scène vidée de ses humains. D’habitude, les spectacles conçus par la chorégraphe cap-verdienne débordent de corps hyperactifs, convulsifs… Ici, on retient leur absence, soulignée par des serviettes-éponges, en boule sur le sol, restes d’un show transpirant, autre manière de mettre en scène l’après-performance. Cette pérégrination au cœur d’une forêt d’objets peut se lire comme un memento mori adressé aux amoureux de la scène, ou un blues des feux de la rampe après extinction, faisant écho au vague à l’âme de la communauté de spectateurs en fête, puis soudainement dispersée, dans Bacchantes.


Mais le silence, Marlene Monteiro Freitas ne le supporte pas. Dans son spectacle D’ivoire et chaire déjà, les danseurs sortaient de scènes plusieurs fois, toujours de retour après chaque salut, comme incapables de s’arracher à leur public. L’énergie de ses créations semble impossible à dissiper. Dans Cattivo, elle dépasse même les performeurs qui la portent, toujours en rotation sur eux-mêmes une fois la salle vidée. Alors que le portrait de la chorégraphe au festival d’Automne touche à sa fin, l’installation Cattivo clôture l’œuvre vivante en la faisant redémarrer, signe d’un univers en expansion qui s’auto-génère.   


> Cattivo, installation musicale (ponctuée de lectures) de Marlene Monteiro Freitas, jusqu’au 21 décembre à la Villette.