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C’est en 1971 que la photographe Claudia Andujar rencontre pour la première fois les Yanomami. Plus grand peuple de l’Amazonie, leur territoire se situe à cheval entre le Brésil et le Vénézuela. Elle ne connaît pas la langue, n’a pas l’intention de l’apprendre pour l’instant, mais elle dit s’être trouvée une famille. Elle y retournera de nombreuses fois, des mois durant sur quarante ans, avec son matériel et ses cachets contre le paludisme.

Claudia Andujar photographie les visages, la vie dans les habitations collectives, les baignades dans les ruisseaux. Elle accompagne les chasseurs à travers la forêt profonde, pendant des séances de pistage qui durent souvent plusieurs jours et qui s’interrompent brusquement, sans qu’elle ne comprenne pourquoi. Elle documente les rites mortuaires : en inhalant une poudre hallucinogène appelée yãkoana, les chamans convoquent et demandent conseil aux esprits. Depuis le fond de son hamac, dans la nuit qu’aucune lune ne perce, elle entend parfois le vrombissement du New York-Rio et s’imagine un passager sirotant un dernier whisky au milieu des nuages.

« Le monde des Yanomami m’aide à comprendre et à accepter l’autre monde dans lequel j’ai grandi. » Avant de connaître le Brésil, Andujar a dû s’extraire du bourbier qu’était l’Europe. Née en 1931 en Suisse dans une famille juive aisée, d’une mère absente et d’un père froid, elle grandit dans une petite ville de Transylvanie, disputée par la Hongrie et la Roumanie, qui devient en 1944 le ghetto de Nagyvárad. Son père et son premier amoureux meurent dans les camps.

  

 

Un oncle la fait venir à New York. Entre temps, sa mère s’est installée au Brésil. Après quelques années d’études et un bref mariage avec un refugié de la guerre civile espagnole, dont elle gardera le nom de famille, elle prend la route de São Paulo. Elle s’achète un appareil photo et parcourt le pays du Nord au Sud. Débute alors une carrière de photojournaliste qui l’emmènera au contact des peuples indigènes. Elle se battra toute sa vie pour faire reconnaître leurs droits.

Les « habitants de la terre-forêt » divisent le monde en deux : d’un côté, les hommes, les animaux, les arbres et les autres éléments ; de l’autre, les esprits chamaniques, ou xapiri, qui descendent au monde via des chemins de lumière resplendissants. Sur ses images en noir et blanc, la canopée ressemble à une toile noire trouée de faisceaux lunaires. La photographe avait pris l’habitude de frotter les bords de ses objectifs à la vaseline pour fabriquer des flous, comme un état de transe.

Claudia Andujar n’a jamais cessé de marteler que le rapport qu’elle entretient aux indiens Yanomami est un rapport d’homme-à-homme : c’est-à-dire, un rapport qui n’est pas celui d’un anthropologue ; et qui n’est évidemment pas non plus colonial, à l’inverse de celui qui dominait pendant la dictature, quand elle a commencé à les fréquenter, et qui ressurgit aujourd’hui avec Jair Bolsonaro.

> Claudia Andujar, La Lutte Yanomami jusqu'au 13 septembre, à la Fondation Cartier pour l'art contemporain, Paris 

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