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Quels gestes nous rassemblent ? Si la question est plus brûlante dans cette période d’éloignement des corps, Joanne Leighton n’a pas attendu la pandémie pour s’en emparer. Avec People United, la chorégraphe australo-belge clôt un travail de collecte photographique au long cours, amorcé il y a une décennie, autour de la notion de rassemblement. À la manière d’Aby Warburg et son Atlas mnémosyne, les quelques 900 clichés de manifestations, fêtes, mariages et autres célébrations qu’elle a récoltés dans la presse et sur les réseaux sociaux, forment une sorte d’atlas universel du collectif. Une somme d’images à partir desquelles Joanne Leighton imagine People United, ultime pièce de sa trilogie sur les mouvements universels, après 9000 pas (2015) et Songlines (2018).

 

Album photo vivant


Sur scène neufs danseurs nous accueillent de dos et bras dessus bras dessous, contemplant avec le public un horizon encore plongé dans l’obscurité. Voici le premier cliché de People United : une image de communion et d’unité. S’en suivront beaucoup d’autres, succession de tableaux vivants inspirés par les photos collectionnées par la chorégraphe. Poing levés, bouches ouvertes, visages crispés, amusés ou exaltés : la danse, à proprement parler, n’existe pas. Plutôt, le mouvement naît des liaisons qui s’opèrent entre les clichés rejoués sur scène : les danseurs transitent d’une posture à l’autre, jouent avec les rythmes, les espaces et les intensités. Les photos, incarnées, continuent de naître et de disparaître mais progressivement, un vent se lève. Comme une colère qui gronde, la pièce se fait plus illustrative : un simple pavé qui passe de main en main, puis un bâton, une bouteille, une pancarte, un drapeau, des lunettes ou un parapluie. Autant de signifiants qui clarifient les représentations jusqu’alors portées uniquement par les corps. Sorties de leur contexte, ces attitudes reconnaissables ne semblent pourtant pas appartenir à l’espace du théâtre. On y croise des Femen seins nus, les poings levés de Tommie Smith et John Carlos lors des JO de Mexico en 1968, ou encore des femmes canadiennes alertant sur les féminicides dans les communautés aborigènes avec le hashtag « Am I Next », dont une danseuse porte la pancarte.


People United de Joanne Leighton. p. Patrick Berger


Mais la force de People united réside plutôt dans ses tableaux les plus ambigus, animés par un paysage sonore – chœurs de femmes, cacophonie de trafic urbain, bourrasques naturelles – qui nous emportent sur des territoires mouvants. Protestation ou célébration ? Guerre ou concert ? Joie ou terreur ? Cérémonie religieuse ou rite païen ? Le contexte échappe à la certitude, ne laissant que le spectacle, enivrant, d’un groupe humain organique et solidaire. Là, dans cette zone grise se trouve peut-être la réponse à la question originelle : les gestes qui unissent seraient ceux dont l’interprétation est flottante. Une main sur une épaule, un regard dans un autre, une embrassade, la crispation des doigts… Tout un lexique que les neufs danseurs ont inlassablement fait transiter d’image en image, d’un rassemblement à un autre.

 

> People United de Joanne Leighton le 21 mai au Forum à Chorège CDCN Falaise Normandie dans le cadre du festival Danse de tous les Sens ; le 25 mai à l’Atelier de Paris dans le cadre du festival June Events ; le 22 octobre aux Salins scène nationale de Martigues ; le 24 novembre à L’Onde Théâtre Centre d'Art de Vélizy-Villacoublay dans le cadre du festival Immersion ; les 26 et 27 novembre à l’Espace 1789, Saint-Ouen ; le 1er avril 2022 dans le cadre du festival Le Grand Bain et Label Danse par le Gymnase CDCN en collaboration avec le Ballet du Nord CCN & Vous ! ; 15 ou 16 avril 2022 au Théâtre Jacques Carat de Cachan ; le 21 avril 2022 au Théâtre de Corbeil-Essonnes dans le cadre du festival Rencontres Essonne Danse ; le 10 mai 2022 aux Quinconces L’espal, Scène nationale du Mans ; les 3 et 4 février 2023 à La Ferme du Buisson, Marne-la-Vallée

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