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L’idée de consacrer un film entier à une seule chanson vous est venue, avez-vous dit, de David Thomson. Pourquoi cette chanson en particulier et non un autre hit comme, par exemple, « Suzanne » ou bien « So long Marianne » ?


David Thomson est un écrivain, un critique et un ami. Nous dînions avec lui et sa femme, il y a quelques années déjà, quand il a suggéré l’idée de réaliser un documentaire à partir d’une chanson. Il se trouve que, peu de temps après, nous avons assisté à un concert en Californie où « Hallelujah » fut chantée. Sa spiritualité nous a touchés. C’est ce caractère à la fois sacré et « brisé », pour reprendre le titre du livre d’Adam Light qui lui est consacré, qui nous a fait préférer « Hallelujah » à de magnifiques chansons comme « Suzanne » ou « So long Marianne ». « Hallelujah », par son caractère charnel et sa recherche de pureté est bien plus complexe que tous les autres textes de Leonard Cohen. C’est la seule chanson qui nous permette de saisir aussi l’intensité de l’écrivain. Elle est plus dramatique qu’aucune autre. Par ailleurs, combien de chansons sont-elles devenues, comme celle-ci, des hits internationaux ?



Nous croyons savoir que vous vous êtes connus à l’université…


Je terminais mes études à Stanford tandis que Dayna était en premier cycle. Dès notre rencontre, nous avons envisagé de faire des films ensemble. Nous avons pu obtenir une bourse et, avec ce petit pécule, nous avons fait le film sur Isadora Duncan [avec notamment la danseuse française Madeleine Lytton, une disciple de Lisa Duncan]. Le film était en vidéo basse résolution en raison du budget limité dont nous disposions à l’époque. Bien sûr, aujourd’hui, tout est en beau cinéma numérique et HD ! Et nous en sommes heureux.



Vous avez déclaré dans un entretien avec Alan Light que « Hallelujah » a été pour vous l’occasion de faire un film sur la musique. Cela a été la première fois que vous avez abordé ce genre cinématographique. Dans quelle mesure votre expériences des films de danse vous a-t-elle aidés à réaliser celui-ci ?


C’était surtout ça, pour nous, le challenge. Lorsque nous avons commencé Hallelujah, nous nous sommes heureusement aperçus de l’influence qu’avaient sur nous tous les films que nous avions précédemment réalisés, qui ont en commun d’approcher le réel par le regard d’autres artistes. En outre, nous avons toujours travaillé avec des compositeurs talentueux dans chacun de ces films. La musique a toujours été pour nous un apport émotionnel indispensable.



Votre film est long, peut-être parce que vous avez fait deux films en un : un documentaire sur la création d’une chanson qui a pris des années à être mise au point à son auteur, en même temps que le portrait de la personnalité charismatique que fut Leonard Cohen. 


En effet, nous avons regardé les écrits et les lettres de Leonard Cohen à travers le prisme de « Hallelujah ». Nous y avons puisé des références et des éléments particuliers qui nous ont permis d’esquisser une sorte de biographie. Mais nous avons surtout voulu insister sur le caractère universel d’une chanson comme « Hallelujah ».



La question des droits musicaux n’est jamais facile à résoudre. Comment avez-vous procédé ? On peut lire dans le générique de fin que Robert Kory, le manager de Leonard Cohen, vous a aidés. Et, dans un entretien, vous avez dit que celui-ci a obtenu les droits de Sony Music en 2015.


Il nous fallait bien sûr négocier les droits musicaux. Robert Kory étant sensible à notre démarche qui visait à mettre en parallèle l’itinéraire spirituel de l’artiste et l’écriture de la chanson, il nous a aidés pour avoir accès aux d’archives qui sont très belles et qui permettent vraiment de comprendre le cheminement de Leonard Cohen.



Visuellement, vous présentez pour la première fois les nombreux carnets consacrés par Leonard Cohen à sa chanson, et son élégante écriture. Vous montrez ses premières apparitions en public en 1966 dans une émission de la télévision canadienne puis une prestation aux côtés de Judy Collins. Pour ce qui est de la bande son, nous alternez ou mixez plusieurs enregistrements rares, voire inédits : les appels téléphoniques de Ratso, la version profane de la chanson par John Cale, le dernier concert enregistré en Nouvelle Zélande filmé par Ed Sanders…


Vous avez raison : nous avons eu la chance de pouvoir bénéficier de ces apports visuels et sonores. Notre relation avec Ratso a été amusante et fructueuse. Autre chose : vous mentionnez le dernier concert de Leonard Cohen à Auckland. Sachez que l’accès à ce footage a exigé de longues années ! Ed Sanders a suivi Leonard Cohen autour du monde et a filmé tous ses concerts. Robert Kory, qui comprenait et qui aimait ce que nous faisions, nous l’a présenté et il a accepté de nous aider. Ed a une mémoire incroyable de tout ce qu’il a filmé. Quand nous lui avons demandé « Est-ce que tu te souviens du concert d’Auckland ? », il nous a répondu : « Oui, et je peux vous l’avoir en une heure ».


> Hallelujah, Les Mots de Leonard Cohen de Dayna Goldfine et Daniel Geller

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