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L’exposition Gut Feelings de Louise Siffert est parsemée de clins d’œil et de références à la culture « queer » – avec ses choses « bizarres » et « tordues » pour reprendre la traduction littérale du mot. La bouche monumentale perlée de rouge à lèvre par laquelle nous avons dû nous faire avaler pour pénétrer dans l’exposition. Les lumières violettes (en référence à la couleur des drapeaux des fiertés des mouvements queer) qui inondent le premier sas. L’obscurité de la dernière salle où nous avons visionné la pièce maîtresse : la comédie musicale réalisée par l’artiste. Ces quelques indices sont autant de citations devenues des références. Impossible de se tromper sur les influences de Louise Siffert : les gros plans sur les lèvres, la comédie musicale pop et les créatures humanoïdes rappellent des éléments fortement inspirés du film The Rocky Horror Picture Show. Une œuvre cinématographique emblématique pour ses jeux d’apparences, son goût pour l’irreprésentable et le « trouble dans le genre »… Du sexy oui – mais pas n’importe lequel – du sexy non identifiable à un sexe ou à un genre. Ce trouble, Louise Siffert le ré-invoque dans une ode aux gargarismes de nos tubes digestifs. Et glou et glou ; et vous, entendez-vous votre ventre qui chante ?

Louise Siffert, Gut Feelings, 2020, film, 25’. Courtesy de l’artiste et du BBB centre d’art.

« On dirait un spectacle raté de fin d’année à l’école primaire et je l’assume tout à fait » dit Louise Siffert pour décrire l’apparence un peu cheap de sa comédie musicale – où des personnages se posent des questions existentielles en chanson et en costume de bactéries fabriqués avec du carton pâte. Mais au delà des références et des discours, Louise Siffert ne se contente pas d’allumer des feux déjà embrasés. Son humour n’est pas à prendre à la légère – il agit au contraire comme une revendication dans un monde où la gravité participe à l’autorité, une arme pacifiste que l’artiste utilise dans toutes ses luttes. Dans ses travaux précédents, ce dernier s’attaquait, de façon critique, à des thématiques comme le New Age ou encore sur le coaching au travail. Dans Gut Feelings, l’humour n’a pas la même portée – il appelle un rire tendre à l’attention des performeuses sans discréditer pour autant les causes féministes et non binaires qu’elles incarnent dans leur costume de bactérie.

Sous ses apparences légères, le travail de Louise Siffert est nourri de recherches scientifiques et constellé de références pointues, nouant des liens entre bactériologies et écrits féministes issus de communautés non mixtes. Son œuvre est constituée de différents strates de lecture qui parlent aussi d’un héritage culturel que les pratiques féministes remettent aujourd’hui en question pour son caractère excluant. Gut feelings s’offre aussi comme une réponse à l’assèchement et à l’aseptisation progressif des salles d’expositions en invitant à « l’intuition viscérale » et en réinjectant du vivant dans des pratiques culturelles bien trop souvent cantonnées à l’exercice des yeux et de la pensée.

 

> Louise Siffert, Gut Feelings. Tellement vitales et si vivantes, a eu lieu du 26 septembre au 19 décembre au BBB centre d’art, Toulouse

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