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Après leur travail sur et avec les rondes bosses abstraites de Jean Arp animées et détournées en culbutos1, les chorégraphes Héla Fattoumi et Éric Lamoureux établissent avec EX-POSE(S) une nouvelle relation entre la sculpture et la danse en traitant les corps dansants comme des éléments purement plastiques. Le titre étant livré en capitales, il peut prendre deux sens différents, si ce n’est opposés : celui d’exposé, du travail fini, de l’œuvre close, de l’objet à contempler et celui, plus probable, de poses en rappelant d’autres, en l’occurrence sculptées dans le marbre ou toute autre matière.

EX-POSE(S) est en deux parties distinctes, antithétiques, spéculaires. Le premier duo est interprété par deux femmes, Meriem Bouajaja et Chourouk El Mahati, le deuxième par deux hommes, Mohamed Chniti et Mohamed Fouad. Tous quatre ont des origines nord africaines, tunisiennes et marocaines pour les femmes, tunisiennes et égyptiennes pour les jeunes hommes. L’aspect hiératique du premier duo fait d’ailleurs songer à l’Égypte ancienne, quoique les chorégraphes se réfèrent clairement à deux œuvres du sculpteur cubiste Henri Laurens : La Petite musicienne (1937) et La Petite Espagnole (1954). Les silhouettes des danseuses, élégamment vêtues de noir, les jambes couvertes d’un ample pantalon japonisant, dessinent des hiéroglyphes accentués par une longue tresse au sommet du crâne. Dans l’espace lumineux de l’Institut du Monde Arabe, elles évoluent souvent de profil, en léger contrejour, dans le cadre strict de cartouches formés d’une douzaine de diaphragmes par paroi ayant fonction de moucharabiehs. Ce face-à-face de déesses aux serpents est historié de grotesques grimaces et donne lieu à des enchaînements gestuels extrêmement fluides.

 

EX-POSE(S) de Héla Fattoumi et Éric Lamoureux p. Laurent Philippe

 

Duel au soleil

Tout autre est le duo des mâles. On est ici dans le péplum, dans le combat de gladiateurs, dans la lutte gréco-romaine, comme le suggère d’ailleurs leur tenue sans façon, les pectoraux en avant, leur asymétrie par la taille, le gabarit, la musculature, la pilosité. Les caresses, en l’occurrence, peuvent être trompeuses, insincères, comme des promesses de gascon, des stratagèmes de guerriers, des ruses de sioux. Les gestes les plus engageants se contractent, se crispent, se pétrifient. Malgré les qualités d’acrobate et de contorsionniste de l’un et la force athlétique de l’autre, le pas de deux ne vise jamais à l’exploit physique. Rien de virtuose n’est au programme, même si la chorégraphie emprunte aux arts de combat.

Fattoumi et Lamoureux ne cherchent apparemment pas à faire dans le spectaculaire. On est loin d’une démo d’arts martiaux calquée sur les films de Bruce Lee. Tout se passe comme si les formes épurées de Henri Laurens et celles, nettement plus expressives de la sculpture d’Ousmane Sow, Couple de lutteurs corps à corps (1988), qui a inspiré le deuxième duo, avaient permis au couple de chorégraphes de trouver une tenue et une retenue qui sortent de l’ordinaire. Ce calme est d’ailleurs maintenu grâce à la B.O. électro de Lamoureux ponctuée de percussions. D’autant qu’on ne retombe à aucun moment dans l’emphase d’une danse contemporaine estampillée années 80 – pour prendre deux exemples : celle, charnelle, de Bouvier-Obadia ou cette autre, risquée, voire casse-cou, du Vandekeybus des débuts. L’âpreté, la sueur  sans les larmes ni le sang  de l’affrontement de nos costauds n’efface pas la beauté apollinienne de la confrontation féminine.

1. Lire notre critique : http://www.mouvement.net/critiques/critiques/ciao-pantin

> EX-POSE(S) de Héla Fattoumi et Éric Lamoureux le 26 juin à l’Institut du Monde Arabe à Paris dans le cadre du festival Arabofolies, le 27 juin au Musée des Beaux-Arts de Besançon ; le 17 septembre aux ateliers Frappaz dans le cadre du festival les Invités, Villeurbanne ; les 2 et 3 octobre au Signe dans le cadre de la Biennale du Design de Chaumont ; les 21 et 22 octobre à Viadanse CCN de Belfort ; le 28 novembre au FRAC Franche-Comté de Besançon ; le 11 janvier à l’Espace 110 à Illzach

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