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Ivo van Hove en fait-il trop ? Est-il touché par le syndrome « Robert Wilson » ? Un syndrome ainsi nommé pour les artistes qui, maintes fois sollicités, finissent par ne plus interroger le pourquoi de leur activité, proposant une réponse rapide à chaque demande. Au Palais Garnier, la relative déception que produit sa nouvelle mise en scène soulève ces légitimes interrogations. En observant son planning pour la saison 2018-2019, on constate (attention la liste n'est pas exhaustive) : la reprise de Les Damnés en mars et l'adaptation de deux pièces d'Euripide à la Comédie Française fin avril, la création de The Hidden Force au début du même mois à La Villette et enfin la présentation, en juin, du Don Giovanni à l'opéra de Paris. Un énorme challenge que tout metteur en scène, quel que soit son potentiel inventif, aurait bien du mal à relever.

 

Don Giovanni par Ivo van Hove. p. Charles Duprat

Le metteur en scène belge situe l'opéra de Mozart dans un décor unique. Créé par Jan Versweyveld, un compagnon de longue date, il consiste en une place exigüe entre de hauts bâtiments rendus grisâtres par l'éclairage : un mixe d'architectures industrielles et d'arcades métaphysiques. Ce parti-pris d'enfermement glace pendant deux actes les voix et les attitudes qui peinent à rendre-compte de la violence du désir. Celle qui anime d'ordinaire la partition et qui, dès les premières scènes, conduit Don Giovanni à une tentative de viol puis au crime du commandeur, engendrant la volonté de vengeance de ses victimes. Dans ce cadre étroit, les célèbres arias peinent à prendre la puissance nécessaire. De plus, la volonté de faire de Don Giovanni (interprété par Étienne Dupuis) un prédateur qui n'éprouve aucune compassion pour ses proies et éteint la vie autour de lui, contrairement à certaines interprétations passées qui l'érigeaient en héros libre voire en personnage bataillien, efface les énergies. Ici, il ressemble davantage par sa psychologie retorse à un de ces dangereux politiciens mégalomaniaques et sans subtilité que l'on observe dans les séries TV, quand le jeu de son serviteur, Leporello (Philippe Sly) ne permet de ressentir, malgré une belle voix de basse, ni la détresse des dominés, ni la bouffonnerie d'un Sganarelle. Dès lors, il faut alors beaucoup d'énergie à  Zerlina et Masetto et beaucoup de prouesses techniques à Donna Anna (Jacquelyn Wagner) et Donna Elvira (Nicole Car) accompagnées par le chef d’orchestre Philippe Jordan pour réchauffer la température de la salle.

Ce n'est qu'au dénouement, avec une scène de repas baroque – une puissante confrontation au commandeur et un aperçu terrifiant de l'enfer en projection vidéo sur les hautes façades – que les surprises surviennent enfin. La mort de Dom Juan métamorphose alors la scène en une place colorée et pleine de vie. Si on adhère au parti-pris de Ivo van Hove, dans le contexte du mouvement MeToo, on souhaite tout de même un peu plus de sentimentalité dans les jeux et les voix car il ne faut pas oublier que la sensibilité métaphorise la critique et par la-même lui donne vie.

 

 

> Don Giovanni par Ivo van Hove, jusqu’au 13 juillet au Palais Garnier, Paris

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