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Dans la salle d'entrée du CCN d’Orléans, qui sert régulièrement de lieu d'exposition, des cyanotypes floraux bleus sont accrochés. Ils ont été réalisés par Josef Nadj, chorégraphe et directeur du lieu depuis 1995. Avant de choisir la danse, l’artiste a appris le graphisme, la composition plastique, les rythmes formels. Il n'a jamais cessé de dessiner bien au contraire, il s'amuse à changer de medium comme à découvrir de nouvelles techniques. Depuis quelques temps il se laisse aller à des expérimentations de procédés photographiques anciens, comme une quête de l'origine.

Il se fascine alors pour le bleu profond du cyanotype, « couleur de l'infini de l'espace ». Ce procédé consiste à recouvrir un support d'un mélange de produits photosensibles, poser un objet dessus et l'exposer à des rayons ultra-violets comme pour les photogrammes. Le produit n'ayant pas été exposé est éliminé à l'eau courante et révèle, en dégradé de teintes, la trace de l'objet exposé. Josef Nadj nous raconte qu’il a récolté un peu partout, au gré de ses promenades, les plantes ici exposées. Il les a choisies avec attention selon leurs qualités graphiques et les dispose de manière à créer une concentration rythmique : du mouvement. Cela fait un an qu'il dit « être dans cette folie ». « Tout est végétal » poursuit-il. Avec les plantes, Josef Nadj dessine l’image d’un paradis perdu, part à la recherche d’une harmonie à entendre et sur laquelle s’appuyer.

 

Grand œuvre

Mais les cyanotypes ici présentés ne sont qu'une pièce du grand puzzle qui occupe l'esprit de Josef Nadj en ce moment. Ces accumulations, tentatives et expérimentations sont les étapes préliminaires d’un plus grand projet dont il prévoit l'aboutissement d'ici trois ans. Mnémosyne ou Inhancutilitatem – le titre qui lui semblait si évident quelques jours auparavant ne semble plus si pertinent aujourd'hui – se présente comme une performance qui abordera la technicité et la fabrication de l'image. Mnémosyne (ou Inhancutilitatem) c'est un désir de retourner aux origines, faire un point sur sa pratique, sa carrière dans un premier temps, et retourner encore plus loin en arrière, au mythe de la création, à Adam et Eve plus particulièrement. Il imagine donc mettre en place une installation en mouvement dans laquelle sera recréée l'image du couple originel et de leur paradis perdu.

Mnémosyne convoque l’imaginaire du poème de Friedrich Hölderlin mais aussi le travail d'Aby Warburg repris par la suite par George Didi-Huberman. Travaillant sur sa mémoire, Josef Nadj interroge son rapport à la photographie – qu’il pratique depuis une dizaine d’années – comme son parcours d’expériences scéniques, qu’il repense, seul.

Pour réinterpréter certaines problématiques qui l’ont accompagnées et qu’il souhaite développer et enrichir, le performeur se mettra en scène, seul, dans une boîte, sorte de chambre noir grandeur nature. 6h24 de performance, découpée en 64 scènes ou 64 approches du mythe d’Adam et Eve et de la chute : Adam et Ève sous l’arbre, le serpent, Ève, pomme à la main… « Je prends le Paradis comme motif central, noyau autour duquel je compose et décompose » raconte-t-il. Ce chiffre symbolique, il l’emprunte au Yi Jing, « Traité canonique des mutations » une recherche spéculative qui occupe une place fondamentale dans la pensée chinoise.

Photo : Josef Nadj. 

En direct, Josef Nadj retravaillera les photographies d’Ève, développant ou modifiant les prises de vue. Partant du sténopé, en passant par la camera obscura, le film, jusqu'au numérique, il file des origines jusqu’à aujourd’hui. Strate, collage, reconfiguration de l’image, anachronisme, par la performance, Josef Nadj met en scène la technicité et rend visible la fabrique des images. Chaque nouvel élément sera transformé, re-photographié par le polaroïd, lui même à nouveau photographié par le collodion Humide. Ce dernier élément boucle la boucle, car selon Josef Nadj on ne peut toujours pas dépasser la qualité de cette dernière qui produit des négatifs grandeur nature.

Mais s’il expose, dans la performance Mnémosyne, son atelier de photographe – celui-là même où il travaille quotidiennement – il s’y déplace encore en tant que danseur : « Je chorégraphie tout ce jeu, tout ce travail. »

 

Josef Nadj, Inhancutilitatem, du 20 juillet au 18 septembre au Collège des Bernardins, Paris.

Petit psaume du matin de Josef Nadj et Dominique Mercy, du 18 au 23 juillet au Centre culturel irlandais (Paris quartier d’été)

Les Jours, exposition photographique du 2 décembre au 28 janvier 2017 à la Collégiale Saint Pierre Le Puellier, Orléans.

Mnémosyne,  présentation d'une première étape de travail du projet photographique et performatif les 18 et 19 novembre au CCNO, Orléans. 

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