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Ni l’hégémonie de la boîte noire, ni l’intrusion des nouvelles technologies sur les scènes contemporaines n’auront réussi à avoir la peau du chapiteau. Mais que se joue-t-il d’aussi indémodable sous la toile tendue des scènes nomades pour que les publics, petits et grands, s’y pressent encore inlassablement ? Présenté dans le cadre de la Nuit du Cirque, le petit précis d'écologie sociale Dans l’Espace apporte une poignée d'éléments de réponse bien ancrés sur leurs appuis.


La banquise fond, le niveau des océans grimpe en flèche, les ours blancs virent au cannibalisme. À moins d’habiter dans une bulle wifi-free, tout le monde connaît le topo, et le tableau n’est pas franchement réjouissant. Au lieu d’enfoncer des portes ouvertes, les circassiens de la Cie Un loup pour l’Homme ont préféré innover par le haut. Pour leur nouvelle création au titre explicite, quatre acrobates explosent littéralement le plafond. Sous un dôme aux allures d’aurores boréales, et dans la plus pure tradition des entrées et sorties de piste, les numéros s’enchaînent en toute organicité, ici mené par un gros rocher, là par un mât chinois à l’horizontale réglé comme une horloge.

 © Valérie Frossard


Un sac de sable transparent, la promiscuité d’un gros caillou ou la menace récurrente d’une barre de fer pivotant sur son axe : tout est prétexte à mettre en tension la réactivité des corps, et leur capacité à s’organiser ensemble. Pour les quelques rétifs qui voudraient encore cantonner le cirque à des formes innocentes ou éthérées, Dans l’Espace riposte par un état des lieux géologiques déchargé de candeur. Sur la piste, ça se pousse, se chamaille et joue des coudes. Il faudra l’accumulation des contraintes et la disparition des ressources - ça ne vous rappelle rien ? - pour que la solidarité matérielle impose sa nécessité. Au rythme de la musique rock assurée en live par Joris Pesquer et Enguerran Wimez, les quatre corps bardés d’un bleu océanique formalisent la synthèse du plus gros défi humain à venir.

 

Par la loupe grossissante de la piste circulaire et des numéros construits par éléments métonymiques, le panorama des catastrophes environnementales devenues lieux communs gagne en clarté : si je te lâche, tu tombes ; si je ne fais pas une place, tu meurs. Mais sous la voûte céleste de ce campement alimenté à la chaleur humaine, la pirouette la plus bluffante de cette meute bienveillante demeure l’esquive face aux sirènes de la résignation. Du sol au sommet du mât central, des gradins au centre de la piste, Dans l’Espace parvient encore à propulser force et entrain pour relever le challenge inévitable d’un monde unique, qu’il nous faudra bien - bon gré mal gré - apprendre à partager.


> Dans l’Espace de la Cie Un loup pour l’Homme a été présenté les 11 et 12 novembre à La Brèche, Cherbourg, dans le cadre de la Nuit du Cirque ; du 9 au 11 décembre au Tandem, Arras, dans le cadre du temps fort Les Multipistes ; du 10 au 12 mars au Théâtre municipal de Coutances, dans le cadre du festival SPRING ; du 6 au 13 avril à La Faïencerie, Creil ; du 25 au 27 mai au Prato, Lille ; du 7 au 9 juin à Rennes, dans le cadre du festival AY-ROOP ; du 16 au 18 juin à Transversales, Verdun ; du 23 au 25 juin au Mans, dans le cadre du festival Le Mans fait son cirque