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En 2013, à Venise, la fondation Prada recrée When attitudes becomes forms, l’exposition mythique organisée en 1969, à Berne, par le célèbre curateur suisse Harald Szeemann décédé en 2005. L’évènement, aujourd’hui encore, reste largement commenté car le « reenactment » est une activité inhabituelle dans le domaine des arts visuels. Pour le théâtre et la danse, et même si la reprise est de plus en plus utilisée, à l’exemple du Tanztheater Wuppertal ressuscitant les chorégraphies de Pina Bausch, de Philippe Quesne reprenant, au fil des années, ses spectacles à l’identique ou des multiples vies offertes par Robert Wilson à ses créations, les chorégraphes et metteurs en scène aiment à souligner la nature éphémère du spectacle vivant, sa fragilité intrinsèque, et s’empressent une fois la tournée terminée d’enchaîner une autre création.

Il en est tout autrement pour l’opéra où un corps de métier nommée « Revival Director » redonne vie aux productions artistiques en réactivant les éléments d’origine pour que lumières, objets, mouvements et interprétations psychologiques puissent rester semblables au cours des décennies. L’opéra de Paris ne fait pas exception à la règle et nombreux sont les spectacles lyriques de la saison 2021-2022 qui, comme les chats égyptiens, prétendent aux vies multiples. Certains, à l’exemple cet automne de l’Iphigénie en Tauride, la tragédie lyrique de Christoph Willibad Gluck mise en scène par Warlikowski, restent toujours pertinents parce qu’ils parviennent à perturber les structures du visible et de l’entendable. C’est moins le cas pour Alcina, l’opéra de Georg Friedrich Haendel, que l’on peut voir au palais Garnier jusqu’au 30 décembre, dans la mise en scène de Robert Carsen.

Créé en 1999, repris en 2014, comme s’il était inspiré par Alfred de Musset et le tragique des passions romantiques, le spectacle a bien du mal aujourd’hui à imposer sa nécessité. La mise en scène, située dans un palais semblable à un white cube, gagnerait à se souvenir qu’Alcina se rapproche par son thème du genre « eroicomico » et que Marivaux et Haendel sont contemporains. Cette autre lecture permettrait de donner davantage d’énergie et surtout de fantaisie au livret de cet opéra séria en trois actes, créé en 1735. Rappelons que l’intrigue se situe dans une île enchantée et qu’elle fait une grande part au merveilleux et aux effets surnaturels. Elle convoque les travestissements et la magie chers à William Shakespeare mais aussi l’ingéniosité des jeux sentimentaux de la comédie à l’italienne merveilleusement compris par l’auteur de La double inconstance. Cette appétence burlesque conviendrait mieux aux merveilleux arias composés par Haendel. Tous plus somptueux et émouvants les uns que les autres, ils se font entendre sous la direction de l’irréprochable Thomas Hengelbrock et du Balthasar Neumann Ensemble, spécialiste des interprétations sur instruments anciens, mais surtout grâce à des virtuoses souvent en état de grâce : de la puissante Roxana Constantinescu à la pétillante Sabine Devieilhe. Seule ombre au tableau, la séduisante et enchanteresse Alcina interprétée par Jeanine De Bique, pourtant formidable comédienne, semble parfois en difficulté, comme si sa voix se voilait sur certaines nuances des six magnifiques arias qui lui sont dévolus.

 

> Alcina de Georg Friedrich Haendel, jusqu’au 30 décembre à l’Opéra de Paris

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