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Tout commence avec un corps écorché : fibres musculaires, organes vitaux, vaisseaux sanguins. Roxane Andrès ne lésine pas sur les détails. Mais pas de panique pour les plus douillets : la designeuse ne fait pas dans le gore. Cette vue anatomique est réalisée en tufting, technique de tapisserie qui fait son retour, et le rendu est plutot doux. Sans heurter, sa sculpture renvoie une image pédagogique du corps féminin, grand absent des représentations anatomiques. Preuve qu’il est méconnu : fin mars, en plein débat sur les congés menstruels, des députés masculins découvrent la douleur des règles via un simulateur qui leur envoie des décharges dans le ventre. 


Vue de l'exposition © Jean-Louis Carli


Les murs en feutre gris qui balisent l’espace d’exposition de Faisons corps au MAIF Social Club rappellent en premier lieu Plight, célèbre pièce tapissée de Joseph Beuys au Centre Pompidou. Mais ils contiennent aussi une promesse : ici, vous pouvez toucher, éprouver et surtout jouer. On se laisse choir sur les Chaises du studio sMarin, des fauteuils dont le siège est constitué de bandes élastiques s’adaptant au séant de chacun. Ces assises rebondissantes maintiendraient le dynamisme du corps, en réponse à cette statistique : avec nos métiers de bureau, on resterait en moyenne assis huit heures par jour. À cette négligence du corps dans une société trop cérébrale, la commissaire Nawal Bakouri répond dans le parcours de l’expo par une critique des contraintes qui régulent cette vie corporelle. D’autant plus lorsqu’il s’agit du corps féminin : à genoux une femme se contorsionne, le buste incliné vers l’arrière à l’extrême, jusqu’à ce que sa tête rejoigne ses fesses. À demie-nue, pourquoi a-t-elle gardé ses talons ? Le dessin vibrant de Myriam Mechita est la saturation d’un personnage qui tente de se tordre pour répondre aux injonctions multiples (et contradictoires) qui l’enserrent. 


« Les corps invisibles sont parfois les plus voyants », observe Arnaud Adami, peintre moins classique qu’on pourrait le croire. Ce qui ressort en premier de sa toile Vany, c’est l’uniforme bleu électrique de son modèle – celui imposé aux livreurs du fameux service de livraison Deliveroo. L’artiste a lui-même porté une de ces tenues flashy pour raisons de sécurité lorsqu’il travaillait à l’usine. C’est là qu’il a relevé que ces couleurs faisaient aussi de ceux qui les portaient des publicités ambulantes. Pour réaliser cette toile, Arnaud a rencontré un livreur qui a appris pour l’occasion à monter à l’écurie de Gennevilliers. Deux siècles après Jacques-Louis David représentant Napoléon franchissant les Alpes dans une cape rouge pétard, le jeune artiste détourne le format académique pour redonner leurs lettres de noblesse aux travailleurs précaires. Une différence toutefois : à la place d’un col montagneux à l’horizon, un mur de béton crasseux. Gloire en demi-teinte. En abordant le corps humain, l’exposition Faisons Corps en décortique un autre, tout aussi peu rutilant : le corps social.

 



Faisons corps, exposition collective jusqu’au 4 janvier 2025 au MAIF Social Club, Paris 


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